mardi 19 septembre 2017

La philosophie du langage

Pieter Bruegel the Elder - The Tower of Babel (Vienna) - Google Art Project - edited
Comme de coutume, je profite de la fin de l’été pour rédiger des articles qui touchent à des problématiques philosophiques plus générales, ou différentes, de la philosophie des sciences. Ainsi nous avions parlé les dernières années de la connaissance, de la vérité, de l’identité… Aujourd’hui, je vous propose de parler du langage.

La philosophie du langage est particulièrement importante pour plusieurs raisons. D’abord, parce que beaucoup de querelles philosophiques peuvent paraître purement verbales : OK, nous débattons depuis des heures, mais savons nous seulement de quoi nous parlons ? Est-ce que nous ne mettons pas simplement des choses différentes derrière les mêmes mots ? Il faudrait, avant de débattre, s’assurer que nous attribuons la même signification aux mêmes termes : commencer par « définir » nos termes. Mais quelle est la signification de « signification » ?

C’est là toute la question de la philosophie du langage, et on verra que cette idée, qu'on puisse ainsi définir nos termes de manière purement conventionnelle, assis dans un fauteuil, voire qu'une phrase ait une signification en dehors d'un contexte, ne va pas de soi.

Ceci dit, il semble bien y avoir une caractéristique importante de tout questionnement sur le langage, et qui constitue la seconde raison pour laquelle la philosophie du langage est centrale : la question de la signification, c’est, en fait, la question générale du rapport de nos représentations au monde. Car quand on juge qu’une querelle est purement verbale, qu’un désaccord est superficiel parce qu’il porte uniquement sur des différences de signification, ce qu’on veut dire par là, c’est qu’on n’est pas forcément en désaccord sur le monde.

Signification et référence

15 Memorial Portrait at The Open University
La signification serait donc un rapport entre des mots ou des phrases et la réalité. Une manière d’exprimer ceci est de dire que la signification d’une phase correspond à ses conditions de vérité : dire ce que signifie une phrase, c’est dire ce qui rendrait vraie cette phrase. Mais bien sûr ce qu’on entend par vérité demande encore à être précisé si l’on veut éviter de tourner en rond…

Selon une première approche assez intuitive, on peut la comprendre en termes de référence. Notre langage contient entre autre des noms propres, qui font référence à des objets particuliers (comme « le soleil ») et des termes de sortes qui font référence à des types (« chien »), à des propriétés (« noir ») ou à des relations (« aimer »). Disons qu’il s’agit de référence à des choses qui existent dans le monde : de réels objets et de réels propriétés et relations. Une affirmation consisterait alors à affirmer l’existence de certains objets dotés de propriétés et entrant dans certaines relations. « Le chien noir aime le soleil » affirmerait qu’il existe un objet qui a la propriété d’être un chien, celle d’être noir, et qui entretient une certaine relation avec un autre objet : le soleil.

Mais cette façon intuitive de concevoir la signification, comme référence directe, pose certains problèmes, relevés par Frege. Pour l’illustrer, prenons les deux phrases suivantes :

  • « Clark Kent est journaliste »
  • « Superman est journaliste ».

On sait que Clark Kent et Superman sont une seule et même personne. Ces deux phrases attribuent exactement la même propriété au même objet, elles ont donc, dans cette approche de la signification, les mêmes conditions de vérité, et donc, elles devraient avoir la même signification. Pourtant ça ne semble pas être le cas, et en effet, on peut voir que les deux phrases suivantes n’ont pas la même valeur de vérité :

  • « Loïs croit que Clark Kent est journaliste » est vrai, mais
  • « Loïs croit que Superman est journaliste » est faux.
Si les deux phrases avaient vraiment la même signification, Loïs devrait avoir la même attitude vis-à-vis d’elles, mais ce n’est visiblement pas le cas.

Rome murales 03
Pour résoudre cette difficulté, Frege a proposé de distinguer le sens et la référence. Le sens, c’est le « mode de présentation » d’un objet ou d’une propriété, et il correspond donc à ce qu’on entend par signification, mais il est distinct de la référence : il faudrait plutôt dire que le sens détermine la référence. Frege a formalisé cette façon d'analyser le langage au 19ème siècle, ce qui l'a amené à développer les fondements de la logique moderne.

Par la suite, Russell a proposé une théorie descriptiviste, qu’on peut appliquer aussi bien aux noms propres qu’aux termes de sorte. L’idée est que la signification d’un nom propre ne serait pas sa référence, mais un ensemble de descriptions qu’on lui associe. La signification de « Superman », par exemple, pourrait être exprimée par « L’homme volant doté de super-pouvoirs qui porte une cape et un slip rouge au-dessus de son pantalon », et peut-être d’autres descriptions. Ces descriptions correspondraient à toutes les propriétés que Superman doit nécessairement posséder pour être Superman, mais elles n’incluraient pas les propriétés non nécessaires, comme le fait d’être mal coiffé, ou d’avoir étudié dans une certaine école. Et on peut étendre ceci aux termes de sorte : la signification de « tigre » pourrait être exprimée par un ensemble de descriptions du type « animal à quatre pattes, avec des rayures, etc. ».

Cette théorie de la signification résout notre problème : Loïs peut bien croire que Clark Kent est journaliste, sans savoir que Superman est journaliste, si elle attribue des descriptions différentes aux deux noms propres, quand bien même ces descriptions déterminent une unique référence dans le monde.

White Bengal tiger
Bien sûr ces descriptions emploient de nouveau des termes du langage, et il faut définir à nouveau ces termes : où s’arrête-t-on ? Pour Russell, il devrait être possible, de manière ultime, de ramener à des termes basiques, non analysables, qui correspondraient directement à notre expérience : les données des sens. Cette théorie de la signification a motivé un projet ambitieux : celui de l’empirisme logique. Selon eux, l’ensemble de nos croyances doit pouvoir se ramener ainsi, par analyse logique, à l’expérience, et une fois nos significations fixées, toute querelle pourrait se régler simplement par un recours à l’expérience, à une enquête empirique, scientifique par exemple. Le rôle de la philosophie, par opposition à la science, serait justement de déterminer par simple analyse les bonnes conventions linguistiques, les bonnes définitions pour tous les termes du langage en les ramenant à des aspects tangibles. C’est ainsi qu’est née ce qu’on appelle aujourd’hui la philosophie analytique.

Descriptivisme contre référence directe

Le descriptivisme de Russell constituait l’orthodoxie au début du vingtième siècle, mais il a été attaqué plus tard par Kripke.

Une première difficulté est qu’il n’est pas évident de délimiter un ensemble fixe de descriptions associées à un terme. Par exemple, il y a des tigres qui n’ont pas de rayures, ou qui n’ont que trois pattes. Fort bien, mais on peut améliorer la théorie en proposant qu’un terme soit associé à un faisceau de descriptions (comme le propose Searle), tel que les objets auxquels le terme s’appliquent doivent posséder non pas toutes, mais au moins la plupart de ces descriptions. Mais pour Kripke, ce n’est pas suffisant.

Gold-crystals
Nous avions évoqué cet argument dans l’article dédié aux classifications naturelles. Il vise à montrer que nos termes ne sont pas assimilables à des descriptions, car nous pourrions nous tromper sur la plupart des descriptions que nous attribuons à une certaine classe naturelle sans pour autant cesser d’employer le même terme. Ainsi si le terme « or » était équivalent à « métal jaune », il serait inconcevable que l’on découvre que l’or n’est en fait pas jaune. Mais ceci semble pourtant concevable en principe (on peut utiliser n’importe quel scénario de science-fiction pour le montrer, mais aussi des résultats scientifiques). C’est donc que le jaune est une manifestation commune de l’or plutôt qu’une des propriétés qui le définit. Pour Kripke, ceci vaut pour toutes les descriptions qu'on peut associer aux noms propres ou termes de sorte : il en conclut que ces descriptions n'ont rien à voir avec la signification de ces termes.

Face au descriptivisme, Kripke propose que nos termes, en particulier les noms propres et les termes de sorte, fassent directement référence à des objets et propriétés du monde, et que la référence se transmet causalement. Un terme (comme tigre) trouverait son origine lors d’un « baptême » : la première personne qui rencontre un tigre choisit de donner ce nom (« tigre ») à l’espèce animale à laquelle appartient ce tigre. Puis la référence se transmet, de locuteur en locuteur. Mais en aucun cas un terme de notre langage ne serait l’équivalent d’un ensemble de descriptions.

Baptism, Brazil (8367585169)
Kripke s’attaque à travers cet argument à l’idée que la nécessité soit uniquement une affaire de conventions linguistiques. Ainsi quand, lors d’une discussion, on demande aux interlocuteurs de définir ce qu’ils entendent par tel ou tel terme, on semble sous-entendre que tout ceci n’est qu’affaire de convention : il suffirait de se mettre d’accord sur les propriétés nécessairement associées au terme. Mais pour Kripke, les propriétés nécessairement associées à un terme peuvent être découvertes empiriquement plutôt que décrétées par convention (on peut découvrir, par exemple, que nécessairement, l’or a un certain numéro atomique). Un peu comme si on découvrait par expérience la réelle « définition » du terme. On parle à ce sujet d’essentialisme.

Ce qui peut paraître contre-intuitif dans cette façon de voir est que la signification des termes d’un langage ne sont pas « dans la tête » des locuteurs, mais plutôt « dans le monde » (on parle à ce sujet d'externalisme de la signification). Remarquons, ceci-dit, que nous pouvons très bien employer des termes du langage sans être capable d’associer des descriptions précises à ces termes. Ainsi, si je lis dans le journal qu’une voiture est rentrée dans un platane ce matin, je peux fort bien reporter cette nouvelle à un ami sans pour autant être capable de reconnaître un platane : je peux donc employer correctement le mot « platane » sans être capable de spécifier les propriétés qu’il faut nécessairement avoir pour être un platane. L’idée que la référence se transmette de locuteur en locuteur et que la signification du terme leur soit externe n’est donc pas si absurde…

La théorie de Kripke a été ensuite critiquée, et certains auteurs ont développé des théories hybrides entre descriptivisme et référence directe, en faisant jouer un rôle aux descriptions pour déterminer en partie la référence des termes.

Christ with his disciples. Mironov
Remarquons que cette théorie peut avoir une incidence assez importante sur les débats philosophiques, et les arguments en général. Imaginons par exemple des historiens débattent de l’existence de Jésus, l’un affirmant que Jésus est un personnage mythique et l’autre qu’il a réellement existé. Selon le descriptivisme, il suffirait qu’une personne ayant porté le nom de Jésus ait prêché à une certaine époque en Judée, et peut-être ait été crucifié, pour pouvoir affirmer que Jésus a existé, même si cette personne n’a jamais eu de contact, même indirect, avec les auteurs des évangiles. Mais si l’on adopte les thèses de Kripke, le fait qu’un dénommé Jésus ait réellement prêché en Judée à une certaine époque, ou qu’il ait porté ce nom, n’a aucune importance pour l'existence de Jésus : ce qui compte, c’est que les personnes ayant rédigé les évangiles faisaient référence à une personne réelle. Il suffit qu’il y ait quelqu’un à l’origine de toutes ces histoires (même si ces histoires sont toutes fausses) pour que Jésus ait existé. On voit que suivant la théorie de la signification qu’on adopte, ce sont les termes même du débat et la manière de vérifier nos affirmations qui changent…

Enfin on peut remarquer à quel point la philosophie du langage et certaines questions plus métaphysiques sont étroitement liées. Kripke appuie ses thèses sur le langage sur certains présupposés métaphysiques : l’idée qu’il existe dans le monde des classes naturelles associés à des propriétés essentielles que nous pouvons découvrir. C’est une thèse réaliste. Le descriptivisme, puisqu’il ramène la signification à l’expérience, s’accommode beaucoup mieux de thèses empiristes. À la limite, seule les apparences pourraient exister sans qu’il n’y ait rien derrière. Descriptivisme et référence directe sont bien des thèses qui portent sur le langage, et non de thèses métaphysiques sur la réalité, et pourtant, elles fonctionnent mieux de pair avec certaines thèses métaphysiques. Peut-être qu’au fond le fonctionnement de notre langage reflète, sinon la réalité, au moins les présupposés communs que nous formons à son égard.

Contexte et langage performatif

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Pour terminer, remarquons qu’il existe des façons plus radicales de rejeter le descriptivisme, et même la référence directe. Cela consiste à rejeter l’idée même que la signification soit une affaire de conditions de vérité. Certains auteurs pensent que cette idée est trop réductrice. Wittgenstein, dont les premiers écrits (notamment le tractatus logico-philosophicus) ont joué un rôle très influent pour promouvoir l’idée de penser la signification en termes de conditions de vérité, est revenu dans ses écrits plus tardifs sur cette approche, préférant voir dans la signification une affaire de « jeux de langage ». On peut résumer ces approches par le slogan : la signification, c'est l'usage

Différents auteurs, par exemple Strawson, ont mis l’accent sur les aspects contextuels du langage. Cet aspect est assez évident à propos des termes indexicaux, comme « je », « ici », « maintenant » (analysés par Kaplan) : ces termes ne peuvent être évalués qu’en contexte, en fonction du moment et du lieu d’un énoncé et de la personne qui l’énonce. Mais les aspects contextuels vont bien au-delà des indexicaux. Pour donner quelques exemples, il serait ridicule, quand quelqu’un dit « il est 5 heures », de rétorquer : « non, au Brésil il n’est pas 5 heures » : l’évaluation est contextuelle. De même, « les clés sont sur la table » se comprend en contexte, quand on sait de quelles clés et de quelle table il est question. Ou encore, « tout le monde dort » ne signifie pas que toutes les personnes du monde dorment : on comprend qu’il s’agit des autres personnes avec lesquelles on se trouve. Nous effectuons donc des inférences contextuelles pour évaluer les énoncés du langage (que Grice appelle « implicatures »).

Les intentions des locuteurs peuvent être pertinentes pour ces inférences. Une phrase comme « le frigo est vide » pourra avoir des significations différentes suivant le contexte : s’il s’agit de nettoyer le frigo, cela signifie qu’il n’y a plus aucun objet dans le frigo, s’il s’agit de préparer le repas, cela signifie qu’il n’y a pas suffisamment de nourriture à cette fin, et dans un contexte scientifique, ça pourrait signifier qu’il n’y a plus une seule molécule d’air dans le frigo. De même, « il y a du café sur la table » peut signifier, suivant le contexte, qu’il y a une cafetière pleine, un sachet de café moulu ou que du café a été renversé.

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Tout ceci n'implique pas de revoir l'idée que la significaton doive se comprendre en termes de conditions de vérité. Ca implique seulement que la significaton soit enrichie par le context. Mais le fait que les intentions du locuteur entrent en jeu dans l’évaluation des énoncés du langage amène à mettre en avant un autre aspect : le rôle fonctionnel du langage, mis en avant notamment par Austin au milieu du 20ème siècle. Il s’agit de remarquer que le rôle des énoncés n’est pas forcément d’affirmer des vérités.

C’est assez évident dans le cas des ordres ou des phrases de politesse, mais aussi de certains énoncés qu'on appelle performatifs, comme « vous voilà mari et femme » prononcé au cours d’un mariage : l’énoncé n’est pas une simple affirmation, c’est un acte, un décret, et le simple fait de le prononcer le rend vrai. C'est le cas également des promesses. Mais à la limite, on pourrait analyser même les affirmations sous l'angle de leur fonction, puisqu’il est plus général (comme le propose Recanati) : une phrase comme « le frigo est vide », plus qu’une affirmation, peut être vue comme une invitation à faire les courses, et une phrase comme « il y a du café sur la table » comme une invitation à se servir. La notion de référence que nous avons examiné plus haut n’est pas pour autant à jeter à la poubelle, mais ont pourrait la comprendre sous l’angle de la fonction qu’elle joue pour réaliser, par le langage, certaines actions, qui demanderaient à transmettre des représentations.

Récemment, certains ont affirmé qu’il s’agissait de la bonne façon de comprendre les discours de Donald Trump : le nombre de contre-vérité qu’ils contiennent peut nous choquer, mais on pourrait mieux les comprendre non sous l'angle de la vérité, mais plutôt comme des déclarations d’intention : des actes plutôt que des affirmations.

Tous ces aspects, contextuels et intentionnels, sont étudiés par ce qu’on appelle la pragmatique en philosophie du langage, par opposition à la sémantique, qui concerne la signification conventionelle, indépendante du contexte, des termes et énoncés du langage. Les précurseurs de la sémantique formelle (comme Frege ou Russell) avaient tendance à considérer que les aspects contextuels étaient des déficiences des langues naturelles (une ambiguïté des mots) et qu'un langage idéal pourrait en principe en être dénué. Il y aurait en quelque sorte une notion de signification "pure", comprise en termes de conditions de vérité, et la fonction des énoncés serait indépendante. S'il est aujourd'hui reconnu que le contexte peut permettre de déterminer les conditions de vérité (comme il détermine si le frigo est en effet vide), et donc que pragmatique et sémantique ne sont pas vraiment deux domaines indépendants du langage, il existe toujours des débats pour savoir à quel point les aspects pragmatiques sont importants, à quel point les aspects sémantiques (ce qui relève de nos conventions linguistiques) sont autonomes vis-à-vis des usages en contexte, et à quel point la signification conventionelle détermine la signification de nos énoncés en contexte. Ainsi certains auteurs défendent qu'il y aurait une "signification par défaut" selement modifiée par le contexte, quand d'autre défendent qu'il n'existe qu'un "potentiel de signification" qui a besoin d'un contexte pour être réellement transcrit en termes de signification effective. La pragmatique est aujourd'hui un domaine de recherche très actif en philosphie du langage.

Conclusion

'The feast of reason, and the flow of soul,' - ie - the wits of the age, setting the table in a roar by James Gillray
On voit donc qu'il y a beaucoup à dire sur la signification et le langage (nous n'avons fait ici qu'effleurer ces sujets, on pourrait y dédier un blog), et que différents aspects entrent en jeu : des aspects référentiels, descriptifs, contextuels et intentionnels. Dans le cadre de la philosophie des sciences, on pourrait juger que tous ces aspects ne sont pas forcément pertinents. Pourtant sous certains aspects, une théorie scientifique s'apparente à un langage : elle possède un vocabulaire particulier, dont on peut se demander s'il fait référence à des entités du monde, un formalisme mathématique qu'on pourait voir comme une grammaire permetant de construire des modèles, et enfin, nous avons vu sur ce blog que des aspects contextuels et pragmatiques pouvaient entrer en jeu dans l'expérimentation scientifique. De quoi envisager que la philosophie du langage puisse en effet éclairer la philosophie des sciences.

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